Flupa UX Days 2019 – Les conférences
La semaine dernière je publiais mon retour sur la journée d’ateliers des Flupa UX Days 2019. Cette semaine, je vais vous partage mes notes sur les conférences. J’ai plusieurs pages de notes et les conférences ont été filmées. Je vais donc vous faire un condensé des gros points que j’ai pu retenir pour ces conférences. Je vous laisserai regarder la vidéo si les détails de la conférence vous intéressent.
Evolution of design systems. Closing the gap between design and production
Nicolas Duval et Dawid Woldu nous proposaient dans cette conférence un retour d’expérience en anglais sur la mise en place d’un design système chez blablacar et plus particulièrement sur la relation design/développement.
La conférence commence par la citation suivante : “As designers you’re doing machine learning at human speed : you generate several solutions to a given problem, test, see what works, learn.” (En tant que conceptrice vous faites du machine learning à vitesse humaine : vous générez plusieurs solutions à un problème donné, testez, voyez ce qui fonctionne et apprenez.)Les deux co-conférenciers identifient différentes phases dans les processus de design : découverte, définition, développement, livraison, la « vraie » livraison, et mesure. Comment combler les écarts entre la phase de définition et la phase de mesure ? Leur stratégie se déroule en plusieurs points.
- Standardiser les composants de base pour que toutes les équipes de design utilisent les mêmes. Cela passe par la création de librairies de composants pour les équipes de design. Mais ce n’est pas suffisant
- Créer des guidelines pour guider les personnes dans l’utilisation de ces composants.
- Aider les équipes à prendre des décisions concernant le produit grâce à des arbres décisionnels. Ils donnent l’exemple des notifications et comment ils ont créé un arbre qui permet aux équipes de chaque partie du produit de savoir quand et quel type de notification utiliser (push, mail, etc.)
- Rapprocher le design du développement pour sortir de la double phase « livraison du design // livraison du code ». Pour cela, des outils de prototype plus proches du produit réel sont nécessaires comme par exemple https://origami.design/. Cela permet de faire des test utilisateur sur de vrais interactions et pas juste une image où on demande à l’utilisatrice d’imaginer qu’il se passe quelque chose. Ils rappellent également l’importance de prototyper avec de vraies données.
Plusieurs autres outils permettent également de faire le lien design / développement en proposant de créer visuellement des composants react ou des composants natifs :
Au final, on en revient toujours aux mêmes points : collaborations entre les équipes design / développement pour améliorer l’expérience globale.
UX + Data = ♥
Emmanuelle Marévéry nous explique en 45 minutes comment collecter de la donnée et quoi en faire pour prendre de meilleures décisions de design. Les slides sont en ligne
On utilise de plus en plus la donnée pour « prédire » les comportements. Ce n’est pas pour rien que c’est devenu le business principal de Google, Facebook et leurs petits copains : la donnée est devenue une monnaie. – On n’est plus des consommateurs, on devient des fournisseurs de donnée malgré nous
La donnée sert à plusieurs choses : à rien parfois (demandez alors à votre client pourquoi prendre la peine de la collecter ??), à décrire /mesurer, à expliquer corréler, à modéliser / prédire.
Comment mettre en œuvre la donnée sur ses projets ?
On commence par définir le cadre. Puis on récolte la donnée : App, site en ligne, Avis clients, contenus générés par les utilisatrices, études quantitatives, transcription d’interview, open data, Google analytics, recherche scientifique, données IPSOS, Google trends, Answer the public, Wikipédia, influenceurs, Facebook audience, il a toujours moyen de trouver des données. Emmanuelle donne l’exemple d’un projet pour Just Dance où elle est allée chercher les avis sur le jeu dans les commentaires YouTube pour comprendre les attentes du public.
Une fois la donnée collectée il faut la préparer et la traiter. On peut par exemple utilise des outils de comptage automatique (Wordle, Wordart, etc.) quand c’est de la donnée sous forme de mots. Pour de la donnée chiffrée, attention corrélation ne veut pas dire pas causalité. Il est possible de l’analyser avec des logiciels (tableurs, Sphix IQ, Adobe Omniture, GA, etc.). Tout ça peut faire peur, mais il faut surtout retenir que des datas scientists pourront vous aider dans ce domaine.
On va ensuite essayer de donner du sens à cette donnée, la contextualiser et l’interpréter. Emmanuelle évoque la dataviz, les études hybrides mêlant quantitatif et qualitatif ainsi que le Big datas + Thick datas qui vise à donner du contexte pour donner du sens. La dernière étape est ensuite d’actionner toute cette donnée pour aider sur son projet.
Texte mining – quand la donnée est du texte ?
Emmanuelle prend ensuite le cas concret du texte mining : fouiller le texte pour en extraire des données. Cette méthode a 4 usages principaux :
- Trouver les bons mots en utilisant les occurrences, cooccurrences et corrélations pour vous aider par exemple à bien nommer vos catégories, titres, etc.
- Classifier les produits et services en proposant une architecture solide (pour les menus par exemple)
- Améliorer l’UX : on peut imaginer faire une analyse émotionnelle sur le contenu d’un corpus de texte de retours utilisateur, se servir de cette analyse pour faire un modèle de Kano sur des avis d’hôtel, etc.
- Faire de la recherche utilisateur indirecte en analysant le niveau de langage, le type de phrases, le nombre de mots, etc.
Toute cette donnée collectée et analysée ouvre pas mal de portes à de nouveaux usages. Mais il pose aussi pas mal de questions éthiques au final auxquelles les designers vont devoir répondre.
Design et stratégie : pourquoi et comment se mêler des affaires des autres
Morgane Peng nous propose un petit sujet passionnant de 15 minutes sur les relations entre les équipes de design et les autres équipes au travers de 3 archétypes pour nous proposer d’améliorer notre communication. Les slides sont disponibles en ligne.
Jean l’Hostile
Jean vous dira des choses comme “le design pourquoi faire”, “Tu peux rendre ça joli ?”, “Je peux avoir le logo en plus gros ?”. Nous avons ici à faire à un problème de culture de quelqu’un qui n’a pas d’approche centrée utilisateur. Jean pense que les problèmes viennent des utilisatrices et utilisateurs, pour ne plus avoir de problèmes il pense qu’il faut plus de formation. Pour lui, c’est aux utilisatrices de s’adapter au système. Jean est manager, il ne peut pas dire “je ne sais pas ce que veulent les utilisateurs”, ce serait une faiblesse. Il a un modèle mental fixe et n’aime pas changer d’avis. Comment faire ?
- Le pied dans la porte : oublier les grosses études, poser des petites questions naïves, petit à petit, demander plus, et passer plus de temps avec les utilisateurs
- L’effet de groupe : on a tendance à imiter le comportement des gens autour de nous. Pour Jean, on peut citer la concurrence, le projet du voisin, etc.
- La technique du crabe : ne pas y aller en frontal avec Jean mais trouver quelque chose pour lequel lui souffre, pour lequel tout le monde souffre.
Paul Le méprisant
Il vous dira des choses comme « Tu peux faire l’UX ? » « Fais JUSTE une revue, ça ira » « et sinon c’est quoi ton logiciel ? ». On a à faire ici à problème d’organisation, de conflit entre la gestion des ressources et des projets. La différenciation organisationnelle dans les entreprises tendance à se monter les uns contre les autres. Plusieurs solutions s’offrent à vous, il va falloir mettre vos mains dans l’organisationnel :
- Standardiser les procédés : acter notre méthodologie pour se protéger des pressions externes.
- Standardiser les qualifications : lister les compétences et tâches d’un rôle pour le réguler et le clarifier et éviter les pièges techniques : « ce n’est pas parce que tu sais utiliser sketch que tu es designer »
- Parler la langue de l’entreprise pour mieux communiquer
Audrey la Manipulatrice
Elle vous dira des choses du genre « tu peux me faire un effet wahou ? » « Je veux un mix entre l’app A, B et C », « tu peux m’envoyer les écrans c’est pour une prez mega importante ». Nous avons ici à faire à un problème métier / business : elle dévie l’usage du design pour camoufler et masquer des problèmes business. Par exemple, en 2017 une startup voulait faire la publicité de son application en créant un festival (le Fyre festival). Ils ont fait une communication très impressionnante et vendaient du rêve mais un évènement désastreux.
Pour résoudre ce genre de conflits :
- Il convient de se sensibiliser au business
- Il faut savoir dire “non” : on est un allié, PAS une ressource. On doit pouvoir refuser des projets s’ils ne correspondent pas à quelque chose de bien spécifié
- Il faut essayer de faire partie de la solution et éviter les comportements déviants.
Au final, en résolvant les problèmes de culture, d’organisation et de business on parvient à mieux communiquer et construire une culture du design orientée utilisateur au sein des entreprises.
Conception d’interfaces immersives pour la réalité virtuelle et augmentée : découverte d’un cas pratique.
Alexia Buclet nous revient cette année aux UX Days pour nous donner des conseils sur la conception d’interfaces pour l’AR et VR. Les slides sont en ligne ici.
Une expérience en AR c’est une expérience à 360°, tout autour de la personne, attention à la fatigue musculaire et à la limitation du champ de vision. On peut avoir un élément derrière l’utilisateur, il faut attirer la personne avec des éléments visuels.
C’est également une expérience en 3D : attention à bien gérer la distance, à gérer la lisibilité des éléments loin / proches. On peut également jouer sur la distance dans l’interface.
C’est une expérience immersive. Veillez à respecter les règles du monde physique, même en VR (avoir un horizon, etc). Mais on peut aussi s’amuser et proposer des interactions plus « magiques » (télékinésie, téléportation, etc). Pensez également au fait que la personne peut-être dans n’importe quelle position et être à n’importe quel endroit de l’expérience. Enfin, respectez son espace personnel (certaines apps sociales VR permettent par exemple de définir un bouclier autour de soi pour pas que les gens se téléportent sur une autre personne).
C’est également une expérience dans un monde physique et dynamique : attention à l’environnement autour, éviter les conflits entre les éléments. Il faut également bien intégrer les éléments en AR (par exemple poser quelque chose sur une table). Ce monde n’est pas figé, il faut donc penser à tous les cas pratiques possibles en tant que designer.
Par exemple, si on pense à une fonctionnalité d’import, beaucoup de questions de design se posent :
- Que se passe-t-il si la personne tourne la tête au moment de l’import ?
- Que se passe-t-il si l’élément est très grand ou trop petit ?
- Et s’il y a un mur ? un autre élément virtuel ?
- Si le téléchargement prend du temps et que l’utilisatrice est dans l’élément quand il apparait ?
- Comment gérer les erreurs ?
C’est aux équipes de design de prendre tout ça en compte ! Pour ça on va utiliser le monde réel pour concevoir le virtuel. Alexia conseille également d’utiliser utiliser des vraies tailles physiques et de fournir des valeurs en mètre, pas en pixel. Concevoir en immersion permet de se rendre compte du rendu, pensez à faire des « Proofs of concepts » pour itérer facilement.
Quelques conseils finaux :
- Adapter votre manière de pensée aux outils
- Soyez attentifs aux choix pris dans les expériences
- Inspirez-vous des autres expériences comme la 3D.
OK Google, Dis Siri, Alexa : comment designer une expérience pour assistant vocal ?
Stéphane Maltor commence sa conférence par rappeler des chiffres clés sur les expériences vocales et donner différents exemples d’assistants sur le marché et ce que les gens en font (météo, Question de culture générale, écouter de la musique, régler des alarmes)? Vous pouvez retrouver la présentation ici.
Stéphane continue ensuite avec des conseils pour créer un tel assistant issu d’un de leur « proof of concept ».
Avant de se lancer, d’un service VUI (voice user interface), vérifiez que la voix va réellement apporter quelque chose et posez-vous les questions suivantes :
- La conversation est-elle intuitive ? (des humains ont-ils des conversations sur ce sujet)
- Cela permet-il à l’utilisatrice de se mettre en mode multitâche ?
- La conversation épargne elle plus de temps d’une interface écran ?
- Permet-elle à la personne de parler librement à haute voix
Suivez les principes de coopération pour construire le flux conversationnel
- Quantité : la conversation ne doit pas être trop longue
- Qualité : ne pas dire que ce qu’on croit est faux, dire la vérité
- Relation : soyez pertinents dans vos réponses
- Manière : évitez de vous exprimer de manière obscure, être bref, évitez les ambiguïtés
Inviter les équipes de développement dès le début du projet car il va se passer pleins de choses coté backend pour transformer la parole en texte et traiter les demandes. Notez qu’un temps de traitement de 5secondes maximum devrait être respecté, sinon la conversation devient non naturelle. Pour vous aider vous pouvez utiliser Dialogflow, un outil de Google qui permet de former des liens logiques et sémantiques entre les différents mots de la phrase de l’utilisatrice grâce à des systèmes de Machine Learning.
Le conseil suivant est d’apporter de la variété dans les dialogues. Si vous voulez construire un dialogue “naturel”, essayez de varier les réponses avec des alternatives pour ne pas toujours avoir les mêmes réponses. Identifier les situations avec des questions redondantes où vous pourrez proposer de la variété. Attendez-vous à ce que les gens soient bavards !!
Une fois le flux créé, il faudra également penser aux issues de secours, trouver l’équilibre entre trop de pas assez long, structurer et hiérarchie l’information et essayer de parler un langage clair.
Stéphane termine sa conférence sur les notions d’éthique. Aujourd’hui, beaucoup de personnes se posent des questions sur la vie privée et ce type de technologies. Si vous avez envie de vous amuser (ou pas), vous par exemple consulter la page « purchases » de Google qui vous montre les achats que vous avez fait, récupéré par Google via une étude sémantique dans Gmail, ou la page de réservations qui fait de même pour les vols, billets de train, etc. Des notions de neutralité du web et des plateformes se posent également. Par exemple, si une utilisatrice demande « que regarder ce soir » et que l’assistant Google ne propose que des réponses de films disponibles sur le Play Store, on commence à avoir un gros souci. Toutes ces questions éthiques sont autant de nouveaux challenges pour designeuse et designers d’interface vocale, et plus généralement de produits et de services.